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Pionnière de la transformation numérique à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth (USJ), Wadad Wazen Gergy, aujourd’hui directrice du Centre de l’innovation numérique et de l’intelligence artificielle (CINIA-USJ), retrace deux décennies d’engagement passionné au service d’un numérique éducatif humaniste, inclusif et stratégique. Dans ce témoignage, elle revient sur les étapes clés de cette évolution, les partenariats fondateurs, notamment avec l’AUF, les défis liés à son rôle de femme leader dans un secteur encore largement masculin, tout comme elle partage des conseils inspirants aux jeunes désireux de s’engager dans le domaine du numérique et de l’innovation.
Vous avez été pionnière dans la transformation numérique à l’USJ. Quelles ont été, selon vous, les étapes clés qui ont marqué ces deux décennies de travail dans ce domaine ?
C’est grâce à une vision claire et à une action collective que l’USJ a réussi à anticiper la transformation numérique et à en faire un levier d’innovation pédagogique durable. Ce cheminement a été marqué par trois moments déterminants, durant lesquels j’ai pu contribuer de manière significative.
D’abord, la création dès l’année 2005 d’une unité dédiée aux technologies éducatives, à une époque où peu d’universités s’engageaient dans cette voie. Ensuite, la crise du COVID-19 a été un moment charnière : en quelques jours, nous avons opéré une bascule massive vers l’enseignement à distance, validant des années de préparation patiente, fondée sur l’écoute et l’accompagnement. Enfin, la création du Centre d’innovation numérique et d’intelligence artificielle (CINIA-USJ) qui marque une étape de maturité : le numérique n’est plus un simple outil, mais un axe stratégique articulant pédagogie, IA et ingénierie. Rien de cela n’aurait été possible sans l’engagement des équipes, une culture du dialogue ainsi qu’une volonté constante d’anticiper plutôt que de suivre. Ce chemin, parfois semé d’obstacles, a été construit pas à pas, avec humilité et ambition, au service d’une université ouverte, humaine et résolument tournée vers l’avenir.
Le Centre de l’innovation numérique et de l’intelligence artificielle incarne aujourd’hui un centre d’excellence pour l’innovation en numérique éducatif au Liban. Comment ce projet est-il né et quelle vision avez-vous portée pour en faire une référence ?
CINIA-USJ est le fruit de 18 ans de travail passionné qui a débuté en 2005 avec la création de l’Unité des nouvelles technologies éducatives. Nous avons capitalisé sur notre expérience pour bâtir un centre interdisciplinaire où l’innovation rencontre la pédagogie, la recherche et l’intelligence artificielle.
Le CINIA place l’écoute, la co-construction et la formation continue au cœur de son action. Notre vision a toujours été claire : innover avec sens, en plaçant l’humain et la pédagogie au cœur de chaque projet. Le CINIA ne suit pas les modes technologiques, il propose des solutions concrètes et adaptées aux besoins réels de notre communauté universitaire. Il s’appuie sur une approche participative, sur une veille constante et sur une culture de l’expérimentation.
Aujourd’hui, le CINIA-USJ incarne une dynamique d’innovation responsable, au service de l’excellence académique. Notre ambition est de faire rayonner cette expertise au-delà de l’USJ, en positionnant le CINIA comme une référence au Liban et dans la région, pour un numérique éducatif éthique, accessible et porteur de sens.
Votre collaboration avec l’AUF dans le domaine du numérique est marquée par plusieurs projets d’envergure. Quels ont été les moments ou les partenariats les plus marquants de ce parcours avec l’AUF ?
Notre collaboration avec l’AUF a été renforcée par des projets structurants qui ont profondément marqué notre approche de l’innovation pédagogique à l’USJ. Le projet Tempus-ADIP (Apprentissage à distance et innovation pédagogique), coordonné par l’AUF, a été un tournant majeur qui a jeté les bases d’une réflexion partagée sur la formation à distance et l’innovation. Ce projet a été bien plus qu’un cadre de recherche : il a permis la constitution d’un véritable réseau d’experts entre universités libanaises, égyptiennes et européennes, renforçant ainsi notre réseau, l’échange de bonnes pratiques et la production d’un guide de référence pour la formation en ligne.
Plus récemment, le projet FSPI, « Accélération de la transition numérique de l’enseignement supérieur au Moyen-Orient », financé par le MEAE français, a renforcé notre engagement envers l’éducation de qualité. Ce projet a eu un impact régional fort : plus de 3 000 enseignants formés au Liban, en Palestine et en Irak, 3300 scénarios pédagogiques produits et une dynamique interuniversitaire sans précédent.
Ces collaborations ont été essentielles pour positionner le CINIA-USJ comme un acteur clé de l’innovation pédagogique au Liban. Elles ont également renforcé notre conviction commune : le numérique n’est pas un objectif, mais un levier pour une éducation plus accessible, innovante et inclusive à l’échelle francophone.
En tant que femme leader dans le domaine des technologies et de l’intelligence artificielle, quels défis avez-vous rencontrés et comment les avez-vous surmontés ?
Le chemin vers le leadership dans le numérique et l’intelligence artificielle n’a pas toujours été simple. Le secteur reste encore largement masculin, et il faut parfois redoubler d’efforts pour être entendue, prise au sérieux ou simplement incluse. L’un de mes premiers défis a été justement celui-ci : trouver ma voie dans des espaces où elle n’était pas attendue. Un autre défi, plus subtil mais constant, est de concilier leadership et bienveillance sans être perçue comme femme fragile.
Mais ces défis ont affûté ma détermination. J’ai choisi de rester fidèle à mes valeurs, d’écouter, de collaborer, de bâtir des équipes solides et de transformer les résistances en opportunités de dialogue. Ce parcours m’a appris que l’excellence n’a pas de genre, mais qu’elle doit parfois encore se défendre plus fermement quand elle est portée par une femme.
J’ai aussi eu la chance d’être inspirée par des femmes remarquables, innovatrices et éducatrices, qui m’ont montré qu’on peut redéfinir les règles du jeu. Les femmes dans l’EdTech (technologies éducatives) apportent plus d’humanité, d’écoute et d’inclusion. Elles ne demandent pas simplement une place à table ; elles en réinventent les contours pour que toutes les voix puissent s’y faire entendre. Et c’est là, je crois, que réside la vraie innovation.
Quels conseils donneriez-vous aux jeunes, particulièrement aux femmes, qui souhaitent s’engager dans les domaines du numérique et de l’innovation ?
S’il y a trois mots que je retiens de mon parcours, ce sont ceux-là : oser, apprendre, s’entourer. Trois verbes simples, mais puissants. Voici mes conseils :
Osez franchir les frontières de ce qui vous semble inaccessible. Travaillez avec patience, mais surtout avec passion. Le doute, surtout quand on est une femme, peut venir de l’extérieur, mais aussi parfois de soi-même. Oser, c’est faire ce pas en avant malgré tout.
Apprenez, toujours. La curiosité et la rigueur sont vos meilleurs alliés dans un monde en mouvement. Le numérique évolue vite, mais ce n’est pas une course, c’est une quête. Ne vous contentez pas de suivre les tendances : comprenez-les, interrogez-les, transformez-les.
Entourez-vous de celles et ceux qui vous élèvent. Cherchez des mentors, échangez, coconstruisez. L’innovation est un sport d’équipe, nourri par la diversité et le dialogue. Derrière chaque parcours solide, il y a des soutiens, des conseils, des mains tendues. Et les femmes qui réussissent tendent souvent la main à d’autres.
En bref, soyez acteurs et actrices de ce changement qu’impose le numérique, mais avec sens, courage et confiance.
A pioneer of digital transformation at Saint Joseph University of Beirut (USJ), Mrs. Wadad Wazen Gergy, now Director of the Center for Digital Innovation and Artificial Intelligence (CINIA–USJ), reflects on two decades of passionate commitment to a humanistic, inclusive, and strategic approach to educational technology. In this interview, she shares the key milestones of her journey, the founding partnerships—particularly with the AUF—her experience as a woman leader in a still predominantly male sector and offers inspiring advice for young people who wish to pursue careers in digital innovation.
You were a pioneer in digital transformation at USJ. In your view, what were the key milestones in your two decades of work in this field?
It is through clear vision and collective action that USJ was able to anticipate digital transformation and turn it into a driver of lasting pedagogical innovation. This journey was marked by three defining moments in which I was able to contribute significantly.
First, the creation in 2005 of a unit dedicated to educational technologies, at a time when few universities were taking that path. Then, the COVID-19 crisis was a turning point: within days, we managed a massive shift to distance learning, confirming years of careful preparation based on attentive listening and guidance. Finally, the creation of the Center for Digital Innovation and Artificial Intelligence (CINIA–USJ) represents a phase of maturity: digital tools are no longer just support tools—they now define a strategic axis linking pedagogy, AI, and engineering.
None of this would have been possible without the commitment of our teams, a culture of dialogue, and a constant willingness to anticipate rather than follow. This journey, at times filled with obstacles, has been built step by step—with humility and ambition—at the service of an open, human-centered university resolutely turned toward the future.
Today, the Center for Digital Innovation and Artificial Intelligence stands as a center of excellence for educational technology in Lebanon. How did this project come to life, and what vision did you bring to make it a reference?
CINIA–USJ is the result of 18 years of passionate work, which began in 2005 with the launch of the Educational Technology Unit. We built on our experience to establish an interdisciplinary center where innovation intersects with pedagogy, research, and artificial intelligence.
CINIA places listening, co-construction, and lifelong learning at the heart of its mission. Our vision has always been clear: to innovate with purpose, placing the human element and pedagogy at the center of every project. CINIA does not follow tech trends; it offers concrete solutions tailored to the real needs of our university community. It operates through a participatory approach, constant monitoring, and a culture of experimentation.
Today, CINIA–USJ embodies a dynamic of responsible innovation in service of academic excellence. Our ambition is to extend this expertise beyond USJ, positioning CINIA as a regional reference for ethical, accessible, and meaningful educational technologies.
Your collaboration with the AUF in digital innovation includes several large-scale projects. What were the most impactful partnerships along this journey?
Our collaboration with the AUF has been strengthened through structuring projects that have significantly shaped our pedagogical innovation approach at USJ. The Tempus-ADIP project (Distance Learning and Pedagogical Innovation), coordinated by the AUF, was a major turning point. It laid the foundation for shared reflection on remote learning and innovation. More than a research framework, it created a true network of experts from Lebanese, Egyptian, and European universities. It strengthened our partnerships, facilitated best practice exchanges, and produced a key reference guide for online learning.
More recently, the FSPI project, “Accelerating the Digital Transition of Higher Education in the Middle East,” funded by the French Ministry for Europe and Foreign Affairs (MEAE), reinforced our commitment to quality education. This project had a strong regional impact: over 3,000 teachers trained in Lebanon, Palestine, and Iraq; 3,300 pedagogical scenarios developed; and unprecedented inter-university collaboration.
These partnerships were instrumental in establishing CINIA–USJ as a key player in educational innovation in Lebanon. They also reinforced a shared conviction: digital tools are not the goal—they are the means to provide more accessible, innovative, and inclusive education in the Francophone world.
As a woman leader in technology and artificial intelligence, what challenges have you faced, and how have you overcome them?
The road to leadership in digital and AI has not always been easy. The sector remains largely male-dominated, and sometimes one must work twice as hard to be heard, taken seriously, or simply included. One of the first challenges I faced was precisely this: finding my place in spaces where it wasn’t expected. A more subtle yet constant challenge has been balancing leadership and kindness without being perceived as fragile.
But these challenges sharpened my determination. I chose to stay true to my values—to listen, to collaborate, to build strong teams, and to turn resistance into opportunities for dialogue. This journey taught me that excellence has no gender, but that it sometimes still needs to be defended more firmly when carried by a woman.
I’ve also had the good fortune to be inspired by remarkable women—innovators and educators—who showed me that it’s possible to rewrite the rules. Women in EdTech bring more humanity, attentiveness, and inclusiveness. They don’t just ask for a seat at the table, they redesign the table so that all voices can be heard. And I believe that’s where true innovation lies.
What advice would you give to young people—especially women—who want to pursue careers in digital and innovation?
If I had to sum up my journey in three words, they would be: dare, learn, and surround yourself. Three simple but powerful verbs. My advice is this:
Dare to cross the boundaries of what seems inaccessible. Work with patience, but above all, with passion. Doubt—especially for women—can come from outside but also from within. Daring means stepping forward despite it.
Keep learning. Curiosity and discipline are your best allies in a fast-moving world. Digital tools evolve quickly, but this is not a race, it’s a quest. Don’t just follow trends: understand them, question them, and transform them.
Surround yourself with people who lift you up. Find mentors, engage in dialogue, co-build. Innovation is a team sport, fueled by diversity and dialogue. Behind every strong journey are supporters, mentors, and extended hands. And women who succeed often extend their hands to others.
In short, be the agents of change that digital transformation demands—but do so with purpose, courage, and confidence.
CINIA est situé au 7ème étage du campus des sciences humaines de l’USJ, rue de Damas à Beyrouth.
N’hésitez pas à nous contacter à cinia@usj.edu.lb
ou à nous appeler au +961 1 421 000 poste 5923/5924.
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